La culture des paparazzi dans la mode, incontournable stratégie marketing des griffes de luxe
Des sorties d'aéroports d'actrices hollywoodiennes au paroxysme du glamour à de l'autopaparazzade des it girls et cool kids experts en selfies... La culture des paparazzi évolue, mais reste incontournable dans la sphère mode, et les griffes de luxe en font leur stratégie marketing pour faire exploser le compteur de likes.
Écrit par Téa Antonietti le
En 1960, alors que le glamour des stars hollywoodiennes est à son paroxysme et que les films indépendants en noir et blanc sont divinement respectés, l'âge d'or de la fame se doit d'être capturé. Chose faite par le cinéaste Federico Felllini, qui, dans l'action de son chef-d’œuvre "La Dolce Vita", baptiste les jeunes photographes au flash facile qui s'empressent de capturer chaque once de sensualité de la majestueuse Anita Ekberg, les "paparazzi".
Dès son atterrissage sur la terre des mortels qui l'idolâtrent, l'actrice se fait photographier sur la passerelle de l'avion de tous les côtés, et les clichés immortalisent instantanément son statut d'icône éternelle. La paparazzade fait plus d'effet à Anita Ekberg qu'une baignade dans une fontaine de Jouvence. Un saut de 50 ans en avant, le paparazzi est toujours aussi convoité et son esthétisme spontané est calqué dans les plus grandes campagnes de mode, sur les célébrités les plus en vogue, dans les stratégies marketing les plus poussées. Un fragment incontournable de la culture mode qui capture le scandale et le glamour comme s'ils étaient liés par amour.
Pourquoi les paparazzi sont la consécration de la fame ?
L'ascension des icônes est capturée dès les années 70 et la sphère people est élégante, admirée, raffinée et idéalisée dans le monde entier. Elles sont chics, bien habillées, talentueuses à souhait... Les stars sont des exemples à suivre et chaque cliché d'elles attire, puisqu'il rapproche une multitude de fans de leur intimité, dans un environnement fancy exclusif plus que jamais désirable.
Dans les années qui suivent, plus besoin d'être épris de talent ou publiquement intelligent. Il suffit d'être aperçu au bras de la dernière étoile montante du cinéma, d'être né nepo baby - on recommande c'est le plus pratique - d'être au cœur d'un good ou bad buzz - plus ça parle, mieux c'est - d'avoir un million d'abonnés sur TikTok et d'exceller les trends - ou encore d'être en front row de défilés. Vous êtes paparazzé ? Félicitations, vous êtes officiellement famous. Plus les objectifs sont rivés sur vous, mieux vous gagnerez en célébrité.
Quel est le point de départ des paparazzi, de la rue aux podiums et covers de magazines féminins ?
Si l'on a introduit son étymologie by Fellini, soit la contraction de pappataci (petits moustiques) et ragazzi (jeunes garçons), le point de départ des paparazzi comme on les connaît aujourd'hui, se tient au lendemain de l'âge d'or de la photographie spontanée de stars de cinéma élégantes à souhait. Très vite, l'engouement et la demande augmentent et les flashs éclatent plus fort.
On compte les photographes par centaines puis par milliers et leur soif de capturer la photo qui fera l'exclusivité devient incontrôlable. Au fur et à mesure que les célébrités deviennent des stars de téléréalité et des top models dépourvus de sens critique, les paparazzi les pourchassent dans une course sans merci pour un maximum de clics... Ils traquent leur moindre passage furtif dans la rue, suivent à la trace les it-girls, les artistes et les actrices, et attendent des heures devant leurs hôtels, villas, penthouse.
Si dans les années 2000, ils deviennent la risée des célébrités constamment scrutées et parfois terrifiées par les agissements excessifs de certains - on pense au buzzcut de Britney au parapluie déchaîné - il semblerait que de nos jours, leur stratégie se soit adoucie. La preuve en image, les cool kids des hautes sphères issus des milieux de l'art et de la mode se prêtent à des egotrips réussis qu'ils nourrissent à base de clichés de paparazzi. La planète fashion se sert du côté show off des paparazzades pour mieux faire la promotion de griffes en pleine ascension et de tendances en ébullition.
Quelles sont les célébrités à l'origine du paparazzi, celui qui donne aux journalistes le dernier mot ?
Parce que tout cliché obtient sa convoitise par la célébrité qui y est capturée, les stars ont définitivement un rôle à jouer dans la carrière du paparazzi. De Grace Kelly, donneuse de nom de sac Hermès cultissime à Kendall Jenner, lanceuse de trends et de it-bags hypissime... En 50 ans d'évolution fashion et photographique, le paparazzi se réinvente et personne ne semble l'arrêter dans son élan.
De Grace Kelly à Lady Diana, les prémices de la flash mania
Actrice hollywoodienne du 7e art devenue princesse de Monaco, l'histoire de Grace Kelly se lit sur des clichés de paparazzi qui contribuent à nourrir le culte autour de sa personne. Attendue à chaque arrivée d'aéroport - souvenir de la sortie évènement de la pionnière Anita Ekberg sous le feu des projecteurs - les flashs scintillent de plus belle pour capturer la star mondiale. Au bras de son Reinier adoré, pour cacher un bébé royal encore peu médiatisé, Grace Kelly se munit de son sac Hermès pour mieux dissimuler son ventre rond. Aussitôt, les clichés font jaser, Hermès est très demandé et le sac est rebaptisé comme on le connaît.
Same but different pour Lady Di, qui démarre sa relation d'amour et de haine avec les paparazzades enflammées dès son entrée en jeu à Buckingham. De son mariage en robe bouffante de dentelle survisionné à sa revenge dress moderne qui ne cesse de voler la vedette à son Charles torturé. Entre ses robes divulgatrices de messages, ses une pièce léopard, ses sweat-shirts universitaires, ou encore son bien aimé Lady Dior qu'elle transforme en it-bag intemporel... La princesse des cœurs est tendance et tout ce qu'elle porte est à se procurer de toute urgence. Lady Diana est le centre de tous les clichés et chaque photo vaut de l'or, jusqu’à ce qu’amené à l'excès, une ultime chasse à l'exclu lui donne la mort.
Des Beckhams aux Cassel-Bellucci, l'ascension des couples fashion
Place aux power couple qui crèvent l'écran et font rêver des groupies aux cœurs d'artichauts et aux crushs faciles. Ils sont beaux, jeunes, sexy et talentueux, se tirent vers le haut - lorsqu'ils ne sont pas encore au centre d'un scandale magistral - et incarnent au mieux des tendances pointues bientôt reproduites par des milliers de fans sous le charme. Véritable source d'inspiration et modèles pour des marques de mode qui décident de les habiller pour faire de leurs pièces des objets de désir...
Clichés à répétition de Becks et Posh entre un aéroport, un évènement fancy ou une sortie romantique, le couple composé de la spice girl et du footballeur anglais multiplient les apparitions stylées. Malles et sacs de voyage Louis Vuitton qui mettent le monogramme iconique au paroxysme du cool, tendance total look cuir validée et copiée-collée, sarong pour lui, slip dress pour elle... Les archives paparazzi de l'époque sont constamment ressorties et se placent dans l'air du temps, avec un retour d'une mode nineties qu'ils incarnent avec brio.
Shooting mythique d'Ellen Von Unwerth qui joue les paparazzi oppressants pour capturer à travers la fenêtre de la voiture aux vitres teintées le duo Cassel-Bellucci, romance franco-italienne de légende. Histoire d'amour vécue à cent à l'heure, d'un coup de foudre, deux enfants et un lifestyle de globe-trotters, Monica Bellucci est la Anita Ekberg de sa génération, dolce vita moderne et décomplexée. Aux côtés de Vincent Cassel, ils forment le couple de plus hot des années 2000 et leur glamour torride est capturé par des clichés de paparazzi, témoignage de leur vie sexy aussi effrénée que spontanée.
De Kendall Jenner aux sœurs Hadid en passant par ASAP Rocky, le tournent des cool kids
Au lendemain d'une ère de it-girls où les tops models rock stars deviennent la cible principale des paparazzi, où Kate Moss est capturée si bien en haut des podiums de mode en fashion icon que plus tard dans la soirée en oiseau de nuit... Les années 2020 affirment une renaissance des cool kids, ces individus à la pointe des tendances, socialement admirés qui ne demandent qu'à être photographié non pas pour leur décadence, mais pour leur style incontestablement branché.
Les nouvelles supermodels que sont Kendall Jenner et les sœurs Hadid sont bien plus réservées, font rêver des millions de fans par leur vie 5 étoiles qu'elles instagramment lorsqu'elles le souhaitent, alors sous leur meilleur angle, à l'abri des clichés intrusifs désavantageux. On observe l'arrivée de l'autopaparazzade sur les réseaux sociaux qui prend plus d'ampleur que ceux dont c'est le métier...
Les selfies miroir de brochette de stars dans les toilettes du Met Gala à New York, de la famille Kardashian à ASAP Rocky, en passant par Paris Jackson, Frank Ocean, Zoe Kravitz ou encore Katy Perry, font plus de bruit qu'une annonce scandaleuse dans la presse people. Les cool kids bêtes de mode à souhait exhibent ce qu'ils veulent pour diffuser au maximum leur cool, chacun se constituant un egotrip autopaparazzé maîtrisé.
La paparazzade ou comment être sur le bon coup de publicité ?
Résultat des courses : les marques de luxe emploient cet esthétisme de fame paparazzé et s'inspirent des moments de flashing lights hystériques intenses pour mettre en avant des cool girls dans leurs campagnes. Moschino mettait en scène en 2017 les silhouettes de rêves de Gigi et Bella Hadid encerclées de paparazzi, au plus près du glamour.
Tout aussi sexy, mais bien plus proche du réel, quelques années plus tard, à l'heure où la définition de top model n'est plus celle d'un mannequin maigre longiligne, mais plutôt d'un corps authentique décomplexé, les modèles plus size ont une voix et usent de leur fame pour la porter. C'est le cas du mannequin Ashley Graham qui, dans le cadre d'une collection pour Swimsuits for all, a imaginé un shoot qui n'employait que des clichés non retouchés, pris par des paparazzi. On l'a compris, les paparazzades sont réelles, mais l'instantané s'est modernisé.
Balenciaga, Chanel, Gucci, Bottega Venetta... Les grands noms de la mode s'en emparent
Comme si une mouche fashion avait piqué les griffes de la sphère mode, ses grandes Maisons emploient de fausses paparazzades dans leurs campagnes publicitaires. En 2017, Balenciaga capture ses silhouettes aux looks extravagants dignes de stars exubérantes de style au budget shopping illimité le long de l'avenue Montaigne, excessivement photographiées par des paparazzi endiablés. Culture du too much que la Maison embrasse sans subtilité, et apposait il y a encore deux semaines à peine lors de son défilé californien, représentant des stars excédées par les photographes constamment à leurs trousses, si bien qu'elles sortent dans des accoutrements radicalement moins glamour, plutôt de secours, mais fashion, toujours.
En 2010, Chanel fait le portrait de la star incomprise qui, scrutée par les paparazzi, veut juste mener une vie normale, dans le court-métrage de Bleu de Chanel incarné par un séduisant Gaspard Ulliel. En 2014, Gucci adopte cet esthétisme de star qui cette fois-ci en a marre, ne peut pas sortir de son taxi au pied du terminal jusqu'à sa porte d'embarquement tranquillement pour gagner son jet privé comme toute personne sensée. Kate Moss en est la rock star d'égérie, plus que jamais dans son élément, et la campagne pour introduire une réédition du sac Jackie devient presque autobiographique. Près de 10 ans plus tard, même frénésie de l'aéroport, le it-couple Kendall Jenner et Bad Bunny sont capturés eux aussi façon paparazzi avec des malles Gucci, campagne voyage relayée de tous les côtés sur les réseaux sociaux.
Plus récemment, Bottega Venetta a poussé cette stratégie marketing de génie à son paroxysme, avec une technique de sensibilisation de la marque infaillible. Vous vous rappelez certainement lorsque Kendall Jenner s'est fait paparazzer sur les trottoirs de Los Angeles en culotte-collant, bouquet de tournesols au bras, sac en cuir au tissage intrecciato à la main ? Et vous avez certainement dû liker ces nombreux clichés d'ASAP Rocky, stylé comme jamais pour aller en date avec sa belle Riri, aux looks cool accessoirisés de lunettes de vitesse et de cabas rose poudré ? Il s'agit en réalité de photos de campagne pour la dernière collection printemps-été 2024 de Bottega Venetta, griffe de luxe italienne qui sait jouer de ses codes en les calquant sur des égéries ultras mode...
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