Les médias ont (presque) triplé leurs articles sur les féminicides

#NousToutes publie la première grande enquête sur le traitement des féminicides dans la presse écrite entre 2017 et 2022. On décrypte.

Écrit par Erine Viallard le

Ce lundi 11 novembre, le collectif féministe #NousToutes a informé la presse que le traitement médiatique des féminicides s'est amélioré en cinq ans. Une nouvelle qui réjouit, la cause des femmes et ces crimes sont davantage exposés dans les médias - mais elle attriste aussi, car n'oublions pas que derrière ces articles il y a des femmes battues et assassinées.

Dans son communiqué"Médias et féminicides : le temps presse", #NousToutes applaudit la prise de parole des médias sur les violences faites aux femmes. Car il le rappelle : "aujourd’hui, la presse écrite reste le premier moyen d’information sur les féminicides."

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Les enjeux de la médiatisation

L'organisation féministe #NousToutes a observé 4 493 articles de presse écrite, publiés en cinq ans. Pour obtenir ces chiffres, ils ont investigué en utilisant cinq mots-clés : féminicides, meurtre et femme, assassinat et femme, macabre découverte et femme, tuée et femme. Et on le voit ici, les articles ont monté en flèche : 725 en 2017 contre 3768 en 2022. Ce qui équivaut à 28 fois plus de papiers mentionnant le terme "féminicide/s".

Le traitement médiatique s'est certes amélioré mais n'est pas pour autant équitable - par rapport aux multiples formes de féminicides."En 2017, 53 % des articles portaient sur les féminicides conjugaux, contre 89 % en 2022. En 2022, les féminicides sociaux ne représentent que 7 % et les féminicides familiaux, seulement 1 %. En comparaison, pour 2017, nous avons décompté 72 % de féminicides conjugaux, 12 % familiaux et 15 % sociaux."

Cela signifie que la couverture médiatique des féminicides en 2022 n'est pas en adéquation avec la fréquence réelle des féminicides. Autrement dit, certains féminicides sont davantage relayés dans les médias que d'autres, créant un décalage entre la réalité des faits (le nombre réel de féminicides) et leur visibilité.

La sortie des féminicides de la rubrique "faits divers"

L'enquête montre que la plupart des articles sur les féminicides sont toujours classés en "faits divers", représentant un tiers des articles, sans grande évolution depuis cinq ans. La deuxième catégorie la plus utilisée est celle des "actualités françaises". Cependant, la catégorie "société" a progressé : en 2022, 13 % des articles sur les féminicides y sont classés, contre seulement 5 % en 2017. Jennifer Chainay, journaliste, explique que ce classement est lié à des contraintes techniques de référencement. Bien que les féminicides soient encore souvent rangés dans les faits divers, ils sont de plus en plus traités comme un enjeu de société.

Un discours féministe manipulé

Le nombre d'articles abordant des sujets de société, comme les violences faites aux femmes et les féminicides, a "presque triplé en cinq ans"(5 % en 2017, par rapport à 13 % en 2022). Ce phénomène est considéré par #Noustoutes comme un "progrès", parce qu’il peut sensibiliser davantage aux violences de genre et pousser la société à exiger des actions de la part des autorités.

Le collectif observe cependant un phénomène inquiétant : certains groupes récupèrent le discours sur les féminicides et le féminisme, non pas pour soutenir les victimes ou combattre les violences, mais pour promouvoir des idéologies racistes et xénophobes.

Ce phénomène alarmant d’instrumentalisation a été mis en lumière avec l’apparition du terme de "francocide".Le francocide c'est quoi ? C'est un terme controversé utilisé pour suggérer que des violences, notamment des féminicides, viseraient spécifiquement des femmes françaises et seraient perpétrées par des hommes étrangers. Il instrumentalise le féminisme pour rediriger le débat sur les violences faites aux femmes, vers des idées nationalistes et discriminatoires, détournant ainsi le combat féministe.

#Noustoutes met donc en garde contre cette récupération des combats féministes pour des idéologies de rejet et de haine, qui risque de nuire à la cause en la détournant de ses objectifs initiaux d'égalité et de protection des femmes.

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