La fratrie Pelicot monte à la barre contre son père, “le diable en personne”
Une première dans l'affaire Mazan, la fratrie Pelicot monte à la barre.
Écrit par Erine Viallard le
Ce lundi, en cette onzième semaine du procès, les enfants Pelicot - de Gisèle et Dominique - ont pris la parole à tour de rôle devant la cour criminelle du Vaucluse. Un jour symbolique dans l'affaire Mazan remplit d'émotions alors que les interrogatoires des sept accusés venaient de s’achever.
David et Florian, les deux frères, ont brisé un silence pesant. Leurs récits, à la fois déchirants et d’une intensité rare, ont plongé l’audience dans une atmosphère lourde. Les fils Pelicot, en colère et triste, ont confronté leur père pour essayer d'obtenir des réponses et ont verbalisé leur indignation comme adieu.
Florian, la rage d'un fils
Pour Florian, le benjamin de la fratrie, ce n'était pas dit qu'il prenne la parole. À la lecture du livre de sa sœur"Et j'ai cessé de t'appeler Papa", il est décrit comme le frère en retrait. Il ne dit rien mais est d'une grande aide pour sa mère Gisèle.
Ce lundi, c'est un tout autre récit, Florian crie sa colère en regardant droit dans les yeux Dominique. Il ose poser la question qui fâche - avec des mots très crus - "Pourquoi t’as prêté notre mère comme ça ?".Dominique Pelicot ne regardera pas son fils dans les yeux. Il continue,"Aujourd'hui, on est tous dans la survie. On doit bien se démerder”. Des paroles bouleversantes qui traduisent l'état dans lequel est la famille : brisé.
"Ma quête d’identité"
Mais pour le benjamin, la rage est telle qu'il aurait espéré ne pas avoir de lien de parenté avec Dominique. Un fait qui pourrait se révéler vrai, sa mère ayant eu une relation extraconjugale autour de la période de sa naissance. Florian essaye donc par ses moyens de percer la vérité, pour qui sait, retirer un poids de ses épaules : celui d'être le fils d'un violeur. "Ce serait un soulagement de ne pas être le fils de Dominique Pelicot" a-t-il déclaré.
David, un fils et un frère combattant
David Pelicot, à la barre, débute par la réaction qu'il a eu le fameux jour où sa vie - comme celle de Gisèle - a basculé. Il dit avoir vomi. Dominique Pelicot, assis non loin, baisse la tête et regarde ses chaussures. Le discours de son fils aîné ne le laisse pas indifférent, d’autant plus que celui-ci le nomme "ce monsieur" – une appellation qui rompt instantanément le lien père fils.
Et puis, le ton monte. David Pelicot continue, "ce que j’attends de ce procès, c’est que les décisions que vous serez amenées à prendre seront à la hauteur de nos souffrances. Que ces hommes derrière mon dos et cet homme dans ce box soient punis pour les horreurs et les atrocités qu’ils ont commises sur ma mère."Un fils qui se bat pour que justice soit faite, pour que la honte change de camp, et pour que la vérité soit actée.
David s'adresse alors à son père : "S’il te reste de l’humanité, dis-nous ce que tu as fait à mon fils et à ma sœur." Depuis son box, Dominique Pelicot répond en criant : "Rien, rien !". Mais l'aîné répond avec colère : "Ça fait deux mois qu’il joue un rôle, c’est insupportable. Je veux ajouter, pour conclure, que ma sœur mène un combat, l’un des plus durs de sa vie."
En larmes, Caroline Pelicot ne parvient pas à cacher son émotion. Dominique tente de s’adresser à son fils et de lui demander pardon, mais David coupe court : "Jamais."
Caroline, une deuxième victime
Caroline Darian, la fille, prend à son tour la parole pour rebondir sur le sujet :"Je me considère la grande oubliée de ce procès". Et elle continue "tu as eu un regard incestueux, je sais que tu as eu des velléités et qu’en plus tu m’as droguée et que tu as abusé de moi."
Pour cette femme, le mystère est pesant, elle le subit. "La seule différence entre elle (Gisèle) et moi, c'est le manque de preuve me concernant. Pour moi, c'est un drame absolu" Ce cauhemar, elle le détaille dans son livre, elle y raconte ses nuits de peur qui ont suivi la découverte des clichés d'elle en culotte.
Les enfants Pelicot ont marqué un moment clé du procès en prenant la parole. Leurs récits poignants ont dévoilé l’ampleur des blessures laissées par leur père et le combat qu’ils mènent pour obtenir des réponses. Ce procès, pour eux, est bien plus qu’un jugement : c’est une étape essentielle pour tenter de se reconstruire. Le verdict, attendu le 20 décembre, marquera une nouvelle page dans cette quête de justice.