Qui sont les influenceurs masculinistes, ces hommes aux milliers d’abonnés qui haïssent les femmes ?

Depuis quelques mois pullulent sur les réseaux sociaux des vidéos d'hommes dits "masculinistes". Ils ont la vingtaine, et semblent déjà tout connaître des femmes. Problème : avec leurs centaines de milliers d'abonnés, leurs idées sexistes se répandent à une vitesse folle auprès des plus jeunes.

Écrit par Alice Legrand le

"Personne n'est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu'un homme inquiet pour sa virilité" :Simone de Beauvoir le disait déjà en 1949, dans Le Deuxième Sexe.

Les hommes inquiets pour leur virilité, on les appelle aujourd'hui les masculinistes. Vous êtes peut-être déjà tombé(e) sur l'une de leurs vidéos. Le discours est clair : "Il y a de plus en plus d'hommes qui se font marcher dessus par les femmes", "Les femmes exploitent la misère sexuelle des hommes", "Quand une femme se comporte mal, vous devez y mettre des conséquences". Les masculinistes n'ont pas peur des mots, et cela semble plaire aux milliers voire millions d'adeptes de ces nouveaux "influenceurs".

Plusieurs médias se sont penchés sur le sujet, comme Konbini en décembre dernier ou France TV Slash qui vient de sortir son reportage début avril. Dans les deux cas, les journalistes ont infiltré le milieu masculiniste, et spoiler : ce n'est pas beau à voir.

Définition : qu'est-ce que le mouvement masculiniste ? Qui a inventé le masculinisme ?

À la base, le masculinisme des années 70 se veut du côté des féministes. Mais avec le temps, les groupes se sont scindés et les dérives ont été de plus en plus nombreuses. Aujourd'hui, quand on parle de masculinisme, on parle d'un mouvement politiqueréactionnaire, misogyne, androcentré et antiféministe. Très extrêmes et violents, ses partisans semblent détester les femmes, car elles les empêchent de profiter pleinement leur masculinité, menant à une véritable "crise de la masculinité" selon eux.

Pour véhiculer leurs idées, ils utilisent plusieurs canaux ultra-accessibles, afin de toucher un plus grand nombre et de mener à bien leur lobbying.

État des lieux du sexisme et la misogynie en France, toujours très présents

Quand on analyse les chiffres récents sur l'état du sexisme en France, on comprend mieux comment c'est possible qu'un tel mouvement gagne du terrain. En effet, 70% des hommes pensent qu'on généralise trop les choses en considérant que "tous les hommes sont sexistes". Pour 20% de la population française, le terme "Féminicide" reste inconnu.

Et parmi la population la plus en accord avec ces idées, on retrouve les hommes âgés de 25 à 34 ans : ils sont 23% à penser qu'il faut parfois être violent avec une femme pour se faire respecter (contre 11% en moyenne). Aussi, 42% des hommes pensent qu'il est difficile pour eux de pleurer et 26% d'entre eux estiment toujours que le barbecue est une affaire d'homme. Bref, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Et le clivage politique chez les jeunes, opposant femmes progressistes et hommes réacs, est de plus en plus grand.

Les influenceurs masculinistes répandent leurs idées sexistes et violentes via les réseaux sociaux

Le business de l'amour est peut-être l'un des plus fructueux. Entre applications de rencontres, coachs en séduction et autres façons en tout genre de trouver l'amour... Sur internet, les ressources sont nombreuses. Beaucoup de coachs en développement personnel aident leurs abonnés à prendre confiance en eux, à ne plus avoir peur ou à sortir de la fameuse "friend zone". Mais il est facile de s'y perdre et de déboucher sur ces fameuses vidéos de clichés masculinistes, qui ne sont plus cachées dans les fins fonds des plateformes. Non, maintenant, elles cumulent des centaines de milliers de vues. Et tout le monde peut facilement tomber dessus.

Le but de ces influenceurs est simple : démontrer que le féminisme met à mal la condition de l'homme, et sa masculinité. Le tout, bien souvent, en vendant des formations pour quelques centaines d'euros. Rien que ça. S'ils reprochent aux femmes d'exploiter la misère sexuelle des hommes, ne font-ils pas la même chose en vendant leurs formations pour "plaire aux femmes" à des prix exorbitants ?

Si les réseaux sociaux relaient de plus en plus d'idées sexistes, avec par exemple la tendance des Tradwives ou des #StayHomeGirlfriend, personne ne semble se préoccuper de cette misogynie institutionnelle qui s'installe peu à peu sur Internet. Sur YouTube, 88% des vidéos comprennent au moins un stéréotype masculin et 42,5% des vidéos sur TikTok présentent une représentation dégradante des femmes... Et pas d'inquiétude à avoir, les influenceurs mascu sont là pour s'assurer que les chiffres restent constants, évidemment.

Des groupes de discussion mascus sur Discord proposant des formations en ligne

Sur Discord, plateforme de messagerie instantanée organisée par canaux privés ou publics, les influenceurs masculinistes se mettent à l'œuvre. Certains donnent leurs formations via des groupes de discussion où il faut payer pour rentrer et pouvoir participer au débat. Quand Konbini a infiltré celui de Léo, de la chaîne les Philogynes, on a failli s'étouffer. Celui qui se présente comme "psychologue qui aide à développer ses compétences sociales avec les femmes" a un discours pouvant en choquer plus d'un(e).

Il conseille par exemple à un jeune homme de 18 ans fraîchement en couple, que "pour garder une femme près de toi, il faut que tu sois séduisant et donc que tu ailles voir ailleurs". Il conseille à un autre, qui lui demande comment faire jouir sa copine, que "si tu commences à lui montrer que ton but c'est de la faire jouir, je te garantis que ça ne marchera pas. Les nanas détestent ça".

Les réseaux sociaux sont donc une façon simple et gratuite de diffuser une idéologie extrémiste à des jeunes hommes qui n'ont peut-être pas le discernement nécessaire pour se rendre compte que non, les hommes sont loin d'être en position de victime dans notre société, et que payer pour de telles formations n'en vaut pas (du tout) la peine. Conclusion : le masculinisme a encore de beaux jours devant lui, et nous, on a encore du boulot.

 De gauche à droite : Léo (Les Philogynes), Andrew Tate, Vinc Wolfenger et Elliot Rodger.

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