Femmes et filles d’Irak en danger : la loi de la régression
En Irak, une réforme controversée pourrait marquer un retour en arrière pour les droits des femmes et des filles. On vous explique.
Écrit par Erine Viallard le
Un vent de changement souffle sur le Moyen-Orient, et pas nécessairement dans le sens espérédecelles qui militent pour l’égalité des sexes. En Irak, un projet de loi est réflechit depuis août et il pourrait bouleverser les acquis en matière de droits familiaux, impactant profondément la vie des femmes et des filles. Alors que des voix s’élèvent pour dénoncer cette potentielle régression, la question des mariages précoces et des droits des filles devient plus que cruciale. À travers le monde, le débat s’intensifie autour des lois qui permettent encore - parfois dans la plus grande discrétion - des unions impliquant des enfants. Des mariages aux enjeux éthiques.
L'Irak risque de légitimer le viol d'enfant
Le Parlement irakien, dominé par une coalition de partis musulmans chiites aux valeurs conservatrices, s’apprête à voter un amendement visant à abroger la "loi sur le statut personnel" du pays. En vigueur depuis 1959, cette loi – connue sous le nom de loi 188 – avait été saluée pour sa dimension progressiste dans le contexte du Moyen-Orient. Elle a établi un ensemble de règles gouvernant les mariages, divorces et héritages pour les Irakiens musulmans.
Avec ce nouvel amendement, l’âge légal du mariage pourrait donc être abaissé de 18 à 9 ans - de quoi faire reculer les droits des femmes et engendrer un regain de mariages de mineures.
Pour Raya Faiq, coordinatrice d’une coalition qui s’oppose à ce projet, cette réforme représente une véritable menace : "C’est une catastrophe pour les femmes. Cette loi légalise le viol d’enfant", a-t-elle déclaré au Guardian. Selon l’UNICEF, environ 28 % des filles en Irak sont mariées avant leur majorité, et d’après la Mission d’assistance de l’ONU en Irak, 22 % des unions non enregistrées concernent des jeunes filles de moins de 14 ans.
Les Irakiennes n'ont pas peur de prendre la parole
Ce n’est pas la première fois que des partis chiites en Irak tentent de réformer cette loi, bien que des initiatives similaires aient échoué en 2014 et 2017 grâce à la mobilisation des femmes irakiennes.
"À la suite des manifestations massives de jeunes qui ont eu lieu en Irak en 2019, ces acteurs politiques ont vu que le rôle des femmes commençait à se renforcer dans la société", raconte Nadia Mahmood, cofondatrice de l'ONG Aman Women's Alliance, basée en Irak. Pour elle il est clair que ces manifestations ont eu un impact, qu'il soit positif ou négatif : "Ils ont estimé que la société civile, les organisations féministes ou de personnes issues de la diversité représentaient une menace pour leur pouvoir. Ils ont commencé à les restreindre, à les réprimer."
Le danger pour ces enfants
Aux Etats-Unis aussi, ces unions sont légales dans 43 des 50 états du pays. Et dans neuf d’entre eux, elles se font sans aucune limite d’âge. En moins de 20 ans, 300 000 enfants ont été mariés, essentiellement des jeunes filles - de tout juste dix ans.
Pour certaines filles, ce n'est pas qu'un mariage "forcé" mais un cauchemar. "À 13 ans, on m’a obligé à épouser l'homme qui me violait. Ça faisait deux ans qu'il m'agressait sexuellement. Le mariage a eu lieu pour lui éviter d’être poursuivi en justice. Et je me rappelle avoir eu l'impression d'être en train de mourir. C'était comme une mort lente" témoigne Dawn sur FranceInter - mariée de force en 1986 à un homme de 20 ans.
Selon les Nations unies, ces mariages précoces "privent les filles de leur enfance et constituent une menace pour leur vie et leur santé". Elles sont "plus exposées à la violence domestique et moins susceptible de poursuivre leur scolarité".
Alors que ce soit en Irak ou dans un autre pays, les droits des femmes ne sont finalement jamais figés dans le marbre...