L’eau potable française largement contaminée par un pesticide cancérigène
Des traces de chlorothalonil, un fongicide considéré comme cancérigène et interdit depuis 2020 en France, ont été retrouvées dans l'eau potable française.
Écrit par Alice Legrand le
Si vous avez l'habitude de boire de l'eau potable, votre eau du robinet pourrait bien être contaminée. C'est ce que révèle un rapport publié ce jeudi 6 avril par l'Anses (Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale).
L'étude a prélevé de l'eau potable sur tout le territoire (y compris en Outre-mer), afin de voir si elle contenait l'un des 157 pesticides recherchés, ou leurs métabolites (qui sont des composants issus de leur dégradation).
La présence dans l'eau de chlorothalonil, fongicide considéré comme cancérigène, montre bien que la présence des pesticides persiste dans l'environnement même plusieurs années après leur utilisation.
Un tiers de l'eau potable contaminée
Le constat est alarmant : le métabolite du chlorothalonil R471811 aurait été le plus fréquemment retrouvé, dans plus d'un prélèvement sur deux. Il dépasserait le seuil légal (soit 0,1 microgramme/litre) dans plus d'un prélèvement sur trois. Certains territoires seraient plus contaminés que d'autres, c'est le cas notamment de la Loire-Atlantique, où 90% des foyers seraient touchés.
Ce pesticide était anciennement utilisé pour traiter les champignons dans les cultures de céréales, de légumes et de vignes. Avec la pluie, il descendait dans les eaux souterraines, ce qui peut expliquer sa présence dans l'eau du robinet aujourd'hui.
L’Anses conclut : "Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus".
Un potentiel danger pour la santé
En 2020, il a été interdit en France car l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c’est-à-dire cancérogène "supposé". Bruxelles soulignait alors qu’il était "impossible à ce jour d’établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n’aura pas d’effets nocifs sur la santé humaine".
L'an dernier, l’Anses rappelait que des études sur le chlorothalonil avaient identifié des tumeurs rénales chez le rat et la souris. Elle soulignait également le « manque de données pour prouver que le métabolite chlorothalonil R471811 ne partage pas le mode d’action de la substance active parente aboutissant à des tumeurs rénales ».
Quelles mesures mettre en place ?
Évidemment, l'une des solutions serait de traiter toute l'eau potable. Mais il faudrait des moyens très importants pour enlever cette substance de toute l'eau. Dominique Le Goux, de l’association Eau et rivières de Bretagne, explique plutôt, comme de nombreuses ONG, qu'il "faut que dès à présent des mesures fortes soient prises pour influer sur nos modèles agricoles". En effet, cette situation montre l’urgence de réduire fortement la dépendance de notre agriculture aux pesticides.
Peut-être que cette découverte fera bouger les choses au niveau environnemental ?
Les Éclaireuses