Bebe Vio : “J’ai finalement eu de la chance d’avoir cette infection si jeune”
Il y a parfois des rencontres qui marques plus que d'autres. On vous souhaite de croiser Bebe Vio une fois dans votre vie, car on a rarement vu une femme aussi inspirante. On vous raconte.
Écrit par Juliette Gour le
Qui dit été olympique, dit évidemment personnalités inspirantes (et inspirées). Si les sportifs valides flirtent avec les étoiles, les parasportifs le font avec le firmament. Non pas qu'il soit plus dur d'être un sportif paralympique, mais parce qu'il faut souvent se battre deux fois plus pour arriver à un tel niveau.
Dans la grande famille des personnalités inspirantes, Bebe Vio est l'une de celle que l'on voit le plus. Escrimeuse de talent, quelques chanceux ont pu l'observer sous les verrières du Grand Palais, d'où elle est repartie avec une médaille de bronze.
Mais, le monde n'a pas attendu les jeux de Paris pour découvrir cette athlète en or. En 2020, Netflix lui consacrait un documentaire "Comme des phénix : L'esprit paralympique", mettant en lumière son parcours.
Pour le reste du monde, c'est sous les traits d'égérie L'Oréal qu'ils ont sûrement découvert la championne. Parce qu'en plus de flirter avec les sommets, à 27 ans, elle est l'une des égéries phare du célèbre groupe de beauté et cette médaille, c'est peut-être celle qu'elle s'attendait le moins à obtenir.
Nous avons pu nous entretenir avec elle au mois de septembre à Paris, juste après les para et la veille du grand défilé annuel de l'Oréal Paris.
Rencontre.
Quel est votre premier souvenir lié à l’escrime ?
Bebe Vio : Je pense que j’avais 5 ans. Rien ne me destinait réellement à faire de l’escrime, à la base, j’étais venu tester un cours de volley. Je n’ai pas du tout aimé et ma mère, avant de me faire essayer la gym, s’est dit qu’elle allait tenter l’escrime, pour voir si ça me plaisait. J’ai immédiatement été attiré par ses "Zorro blancs", qui sautaient, criaient… J’ai aimé le bruit des fleurets et des épées qui s’entrechoquent… J’étais sous le charme. Un coach a fini par me donner un casque - beaucoup trop grand pour moi - et un fleuret - plus grand que moi… J’ai fait mon premier « duel » et je suis tombée sous le charme de la discipline.
Vous vous souvenez du jour où vous avez décidé de devenir escrimeuse professionnelle ?
Il n’y a pas vraiment un jour où je me suis dit "je vais faire ça toute ma vie". C’est plus les gens autour qui savent si tu as les épaules pour être une bonne escrimeuse ou non. Je suis entrée très tôt dans le monde de la compétition, j’étais toujours la plus jeune, et j’ai monté les marches petit à petit jusqu’à intégrer l’équipe nationale à 14 ans.
En réalité, j’ai grandi avec mon équipe et l’escrime fait tellement partie de ma vie, que ce n’était même pas un choix, c’était la suite logique.
Vous avez eu une méningite à 11 ans. Comment vous vous êtes reconstruit après cette épreuve ?
J’ai finalement eu de la chance d’avoir cette infection si jeune, tout simplement parce qu’il n’y a pas toutes les peurs d’adulte. Le plus important pour moi était de sortir de l’hôpital, retrouver ma famille, mon équipe d’escrime, l’école… C’était ma motivation. Évidemment, c’était difficile, physiquement, mais c’était encore plus dur pour mes proches. On s’est beaucoup serré les coudes et ce sont eux qui m’ont donné la force d’aller de l’avant et de surmonter les difficultés.
Est-ce que cette épreuve a modifié la relation que vous entretenez avec votre corps ?
Pas vraiment non. J’ai passé la majeure partie de ma vie avec mes prothèses et elles font aujourd’hui partie de moi et je ne peux pas vivre sans elles. En réalité, je ne pouvais pas me permettre de rester bloquée sur la personne que j’étais, ça m’aurait empêché d’aller de l’avant. Ce n’est pas tant accepter son corps, mais plutôt vivre avec du mieux possible. Le corps que j’ai, c’est mon moi d’aujourd’hui, le moi que j’aime.
Vous vous souvenez du jour où vous avez essayé vos prothèses pour la première fois ?
Oui évidemment, c’était si étrange. J’ai dû tout réapprendre : comment marcher dans le sable, sur le goudron, comment brosser mes dents, lacer mes chaussures… Toutes les petites actions du quotidien en fait. J’ai même dû réapprendre à manger des spaghetti, vous imaginez ? Être italienne et ne pas pouvoir manger des pâtes correctement ? Je ne pouvais évidemment pas couper les spaghetti, donc j’ai réappris et c’était peut-être le plus important (rire).
Pour le sport aussi, j’ai dû tout réapprendre et je me suis entraînée très dur pour retrouver mes réflexes et mon niveau. C’était un combat du quotidien et ça l'est encore parfois.
Est-ce que vous vous imaginiez un jour devenir une égérie L’Oréal ?
Non évidemment que non. Le jour où ils m’ont appelé, je ne voulais pas le croire. J’ai grandi avec l’idée que je ne correspondais pas réellement aux standards de beauté « classiques ». Me choisir comme égérie, en un sens, c’était briser ces standards et c’est une façon d’ajouter de l’inclusivité dans l’univers de la beauté.