Pourquoi on a l’impression qu’il n’y a que les mecs qui sont pervers narcissiques ?

C'est vraiment un biais masculin ou est-ce qu'il n'y a que les femmes qui parlent de leurs mauvaises aventures dans les relations ?

Écrit par Alice Legrand le

Beaucoup ont déjà accusé leur ex, leur patron ou même leur pèred’être un véritable pervers narcissique. Si ce trouble de la personnalité se caractérise par l’utilisation de stratégies manipulatrices et destructrices pour dominer et contrôler les autres, tout en préservant une image positive de soi-même, le terme combine deux aspects distincts : la perversion et le narcissisme... Ce qui donne lieu à des comportements nuisibles, qui ont tendance à exploiter les autres pour renforcer sa propre image.

Par sa complexité mais aussi par sa banalité, cette maladie a intéressé de nombreux professionnels de santé mais aussi des sociologues, comme Marc Joly qui est également chercheur au CNRS. Relayé par Slate, son nouvel ouvrage La Perversion narcissique - Étude sociologique fait état de la place omniprésente de ce trouble dans notre société.

“C’est un pervers narcissique” : ah, alors tout s’explique

Le concept de “pervers narcissique” a été développé par le psychanalyste français Paul-Claude Racamier dans les années 1980. Il a ensuite été popularisé par la psychanalyste et autrice Marie-France Hirigoyen qui emploie ce terme dans ses ouvrages traitant du harcèlement, notamment dans le monde du travail.

Utiliser ce terme dans le langage courant a souvent pour but de mieux comprendre une situation et de justifier des actions commises. Comme le précise Marc Joly, "l’expression exerce un puissant effet de révélation et joue un rôle de diagnostic". C’est vrai, quand on se rend compte qu’un individu a des comportements étranges, il n’est pas rare d’avoir le réflexe de se demander s’il n’aurait pas des penchants de pervers narcissique. Et beaucoup ne peuvent s'empêcher de rechercher sur Google "traits de personnalité d'un pervers narcissique" pour s'en assurer.

Une maladie révélatrice de notre contexte sociétal

Si la perversion narcissique peut avoir lieu dans différents contextes (familial, amical, professionnel...), le façon dont elle se matérialise chez un couple hétérosexuel est particulièrement intéressante.

Dans une relation hétérosexuelle, dire que l’homme est un pervers narcissique peut être traduit par le fait que c’est un homme violent - peut-être physiquement, surtout mentalement - mais qui pourtant est apprécié de tous en société. La classique, donc. Et pour cause : Marc Joly défend une thèse bien précise dans son livre. Selon lui, la perversion narcissique serait la réaction de certains hommes aux nouvelles normes établies pour les couples hétérosexuels - soit l’égalité, le respect et la communication. La base, finalement.

Alors, comme la domination historique et assumée de l’homme sur la femme n’est plus tendance, ils se rabattent sur ces comportements pervers puisque à l'abri des regards. Un œil au beurre noir, c’est trop visible, mieux vaut plutôt manipuler totalement le cerveau de l’autre afin d’arriver à ses fins : c’est plus discret. Outre le côté ironique de cette approche, ce serait réellement comme ça que ce trouble dévastateur aurait pris de plus en plus d’ampleur ces dernières années dans notre société.

La perversion narcissique n'est-elle réservée aux hommes ?

À la manière du daltonisme, qui touche principalement les hommes mais qui n’exclut pas les femmes, la perversion narcissique peut aussi s’accorder au féminin. Pourquoi il n’y a que très peu de perverses narcissiques ? Tout simplement car comme nous pouvons le constater au vu de la naissance de ce trouble dans notre société et de son caractère “anti-féministe” : c'est factuellement un comportement plus à même de toucher les hommes que les femmes.

Mais dans le monde du travail, dans le cercle amical et familial ou même au sein d’un couple, une femme peut aussi être perverse narcissique. Dominante, très centrée sur elle-même, manipulatrice… Vous en connaissez peut-être. Conséquence d’un lien social qui se dissout au fil du temps et d’une montée de l’individualité généralisée, le contexte social donne davantage de place à la perversion narcissique.

Les femmes aussi peuvent être de mauvaises personnes - c'est pas nouveau - et vouloir à tout prix prouver leur supériorité, elles adoptent des comportements maculins. Mais à la différence de leurs homologues, leurs techniques seront souvent plus subtiles, en utilisant la victimisation ou des stratégies relationnelles encore plus poussées pour arriver à leur fin. Ce qu'elles mettent en avant n'est pas une égalité qui les effraie, mais bien une volonté toute simple de dominer dans les interactions sociales.

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