Octobre Rose : Oui, en 2024, les jeunes femmes développent des cancers du sein “plus agressifs”
Octobre Rose rappelle l’importance de la sensibilisation au cancer du sein, un fléau qui touche de plus en plus de jeunes femmes.
Écrit par Camille Cortot le
Le cancer du sein demeure un enjeu majeur de santé publique. Avec plus de 60 000 nouveaux cas chaque année en France, représentant près de 30 % des cancers féminins. Bien qu'il continue à toucher des milliers de femmes, les avancées médicales sont prometteuses. Aujourd'hui, grâce aux progrès des traitements, tels que l'immunothérapie ou les thérapies ciblées, les taux de guérison atteignent désormais 85 % et les chances de rémission augmentent chaque année.
La prévention joue également un rôle clé, en particulier grâce à des initiatives comme Octobre Rose, qui ont permis une meilleure sensibilisation au dépistage. Cet événement a transformé la manière dont le cancer du sein est perçu et traité, encourageant de nombreuses femmes à consulter plus tôt et à adopter des comportements préventifs.
Cependant, malgré ces progrès, un phénomène préoccupant persiste : l'augmentation des cas de cancer du sein chez les jeunes femmes. Ces cancers, souvent plus agressifs, posent de nouveaux défis en termes de traitement et de prévention. Différents facteurs, tels que la prédisposition génétique, l'obésité croissante ou encore les perturbateurs endocriniens, pourraient expliquer cette tendance inquiétante.
Face à cette réalité, Delphine Hequet, gynécologue obstétricienne, nous parle des défis liés à cette maladie. Octobre Rose reste plus que jamais essentiel pour sensibiliser le public aux enjeux du dépistage et de la prévention.
Le cancer du sein, une maladie de mieux en mieux guérie
Les avancées médicales dans le traitement du cancer du sein offrent de l'espoir. Grâce à des traitements innovants tels que l’immunothérapie et les thérapies ciblées, les taux de guérison s’améliorent de manière significative. Delphine Hequet déclare : "Tous stades confondus, on est à plus de 85% de guérison. Donc tous stades confondus, ça veut dire qu'on prend aussi bien les patients qui ont un tout petit cancer débutant, pas agressif du tout, que les patients qui ont un cancer très gros. Donc c'est un cancer qui reste de très bons pronostics par rapport aux autres cancers."
De plus en plus d’entre eux sont détectés plus tôt, avec pour raison l’augmentation du dépistage. Malgré un chiffre qui stagne depuis quelques années en termes de participation, les jeunes générations sont bien plus sensibilisées que les générations antérieures.
Des progrès médicaux en bonne voie
Les progrès médicaux ne se limitent pas à l'augmentation des taux de guérison. Les techniques de dépistage ont également évolué avec notamment les mammographies 3D et les technologies d'imagerie avancées qui permettent une détection plus précoce des tumeurs, souvent asymptomatiques.
L’avènement de l’intelligence artificielle pourrait aussi avoir des avantages considérables pour les avancées médicales. L’IA est la pour améliorer la détection de lésions, de tumeurs tellement petites qu’elles sont difficiles à repérer à l’œil humain : couplée à l’avancée technologique de résolution des examens, elle permet d’avoir un dépistage encore plus performant.
L'immunothérapie - traitement qui utilise les capacités naturelles du système immunitaire pour combattre les cellules cancéreuses - joue également un rôle de plus en plus crucial dans le traitement du cancer du sein. Elle est très importante pour les cancers dits "triple négatif", qui représentent environ 10-15% des cas et sont connus pour leur agressivité et leur résistance aux traitements hormonaux conventionnels. Cette approche est souvent combinée avec la chimiothérapie, permettant ainsi d'optimiser les effets des traitements. Les récents congrès médicaux, notamment celui de Barcelone en septembre, ont présenté des résultats prometteurs, montrant une amélioration significative du pronostic des patientes sous immunothérapie.
L’experte souligne également l'émergence de nouveaux traitements, tels que les anticorps-drogue conjugués -ADC- qui ciblent spécifiquement les cellules cancéreuses, améliorant ainsi l'efficacité de la chimiothérapie tout en minimisant les effets secondaires. "En tout cas, on a plein de traitements prometteurs. On a une vraie révolution, je trouve, dans le cancer du sein."
La montée des cas chez les jeunes femmes : causes et facteurs de risques
La hausse alarmante des cas de cancer du sein chez les femmes dans leur vingtaine est un sujet de préoccupation croissant. Une étude canadienne a révélé une augmentation de 45,5 % des cancers du sein dans cette tranche d'âge entre les années 1990 et 2019, ce qui soulève des questions cruciales concernant les causes et les facteurs de risque associés.
D’autant plus que les cancers du sein diagnostiqués chez les jeunes femmes sont souvent agressifs : "les jeunes ont tendance à développer des cancers plus agressifs, tels que les cancers triples négatifs, qui sont souvent plus résistants aux traitements", souligne l'experte. Cela pose un double défi : non seulement ces patientes sont plus susceptibles de développer la maladie, mais elles le font souvent dans des formes plus sévères, augmentant le risque de récidive. "La durée de vie étant plus longue, les jeunes patientes ont une période prolongée durant laquelle elles peuvent subir une récidive," explique l'experte "Et parce qu'elles ont souvent des cancers plus agressifs, le risque de récidive est encore accru."
La prédisposition génétique comme facteur principal
L'une des causes les plus reconnues du cancer du sein chez les jeunes femmes réside dans les mutations génétiques. Les gènes BRCA1 et BRCA2, par exemple, sont connus pour être des protecteurs contre le cancer. Delphine Hecquet souligne que "lorsque ces gènes présentent des mutations, leur capacité à prévenir le développement de cellules cancéreuses est compromise." Cependant, bien que ces mutations soient une cause importante, elles ne représentent qu'environ 5 % des cas de cancer du sein chez les femmes jeunes, indiquant que d'autres facteurs doivent être considérés.
Le mode de vie
Les changements dans le mode de vie moderne, notamment l'augmentation de l'obésité, constituent un autre facteur de risque majeur. En France, l'obésité touche de plus en plus de jeunes femmes, ce qui pourrait contribuer à l'augmentation des cancers du sein : "l'obésité est clairement un facteur de risque identifié, et son augmentation parmi les jeunes femmes est préoccupante" souligne la gynécologue.
Le tabagisme, souvent associé à des cancers comme celui du poumon, est également un facteur de risque pour le cancer du sein.
Les risques hormonaux
Les facteurs hormonaux jouent également un rôle important dans le développement du cancer du sein chez les jeunes femmes. Les traitements de fertilité, plus souvent associés aux femmes plus âgées, impliquent des stimulations hormonales répétées et peuvent constituer un risque accru, bien que Delphine Hequet précise qu’ " il faut un nombre significatif de stimulations pour que cela devienne un facteur de risque tangible."
En revanche, les contraceptifs oraux ne semblent pas avoir d'impact significatif sur le risque de cancer du sein, une bonne nouvelle pour de nombreuses jeunes femmes qui utilisent ces méthodes pour gérer leur santé reproductive.
Alimentation et perturbateurs endocriniens : des facteurs de risques de plus en plus considérés
En matière d'alimentation, des recherches indiquent que certains aliments peuvent influencer le risque de cancer du sein. Par exemple le soja, qui contient des œstrogènes, a été un sujet de débats. Mais Delphine Hequet explique que "la consommation excessive de soja pourrait être préoccupante, mais cela nécessiterait une ingestion quotidienne massive." En revanche, elle note que "les perturbateurs endocriniens présents dans les aliments transformés pourraient jouer un rôle dans l'augmentation des cancers chez les jeunes femmes." Bien que la recherche sur ce sujet soit encore à ses débuts, il existe une préoccupation croissante concernant l'impact de ces substances sur la santé hormonale.
Prévention et sensibilisation : l’importance du dépistage
Aujourd'hui, la prévention du cancer du sein est de plus en plus importante en France : "On a maintenant septembre turquoise, on a septembre en en or pour les cancers pédiatriques. – Ça va dans le bon sens quand même." souligne l’experte.
Cependant, elle reste un enjeu crucial, notamment plus tôt et plus jeune, dans les établissements scolaires.
Le rôle de la sensibilisation
Delphine Hequet, gynécologue obstétricienne, souligne l'importance d'une sensibilisation précoce, notamment au sein des établissements scolaires. "Il y a effectivement une prévention à faire, une sensibilisation à l'école"déclare-t-elle. Bien que des campagnes comme Octobre Rose permettent d'attirer l'attention sur le cancer du sein, il est important d’adopter des comportements préventifs dès que possible.
Le message principal doit être que la détection précoce du cancer du sein peut mener à des traitements moins lourds et à de meilleures chances de guérison. En effet, le dépistage permet non seulement de détecter les cancers à un stade plus précoce, mais il peut également réduire la nécessité de traitements invasifs.
L’importance des consultations médicales
Les consultations annuelles chez le gynécologue sont essentielles, même en l'absence de symptômes. "À partir de 25 ans, les patientes sont censées aller voir des gynécologues... c'est l'occasion d'avoir une première palpation," précise la médecin. De plus, l'autopalpation des seins doit devenir une pratique régulière. "L'idéal serait de faire un auto-examen une fois par mois après les règles. C’est le meilleur moment pour vérifier un petit peu sa poitrine," recommande-t-elle.
Delphine Hecquet donne alors des conseils pour bien s’auto-palper : "Il faut regarder dans un miroir pour observer les changements, comme une coloration anormale, une rougeur ou une rétraction du mamelon." Ces gestes simples peuvent être déterminants pour la détection précoce du cancer.
Pour apprendre à se palper, la Fondation Cognacq-Jay organise deux journées de sensibilisation - le 10 et 12 octobre prochains - au cancer du sein avec son initiative "Yoga Rose". Cet événement propose des séances de yoga et des formations à l'autopalpation. Une occasion de faire avancer la lutte contre le cancer du sein à travers la France.
Un mode de vie sain pour prévenir les risques
L'exercice physique est également un pilier de la prévention. Selon l’experte, "l'activité physique en soi a été démontrée comme prévention, surtout des cancers." Non seulement elle aide à maintenir un poids de santé, mais elle joue également un rôle dans la réduction du risque de récidive pour celles ayant déjà été diagnostiquées. "C’est donc encore plus important que de bien savoir palper les seins," ajoute-t-elle.
L'évitement du tabac est un autre facteur de prévention clé. Elle souligne l'importance de reconsidérer nos habitudes de vie pour réduire les risques.
Une prévention dès le plus jeune âge
Enfin, il est crucial que les politiques de santé publique intègrent davantage de programmes de sensibilisation et d'éducation. La spécialiste évoque la nécessité d'une approche plus proactive, notamment en matière de vaccination contre le HPV et des dépistages réguliers, qui n’est pas à la hauteur d’autres pays.
L'instauration de campagnes d'éducation dans les écoles pourrait également permettre d'enseigner dès le plus jeune âge des habitudes de vie saines et une culture de prévention. "C’est quelque chose de très intéressant à mettre en place," conclut-elle.
En ce mois d’Octobre Rose, il est important de rappeler que la prévention du cancer du sein est primordiale pour le combattre. Cette maladie, qui touche de plus en plus de jeunes femmes, est multifactorielle et nécessite donc une approche combinant sensibilisation, éducation, consultations médicales. Comme le souligne Delphine Hecquet, "La prévention et la détection précoce peuvent vraiment changer le pronostic pour les patientes."